Je vais vivre pour toi
- Ombre Lunaire

- 28 oct. 2021
- 5 min de lecture

Deux ans qu’il n’est plus là. 730 jours passés sans lui. 17 520 heures de perdues à le pleurer, sans me relever. J’ai délaissé mon travail et j’ai surtout mis de côté ma vie en générale. Je n’ai plus fêté Noël. Les repas de famille ? aux oubliettes. J’ai vécu plus d’un an enfermée dans ma chambre. C’était à ma famille de venir me nourrir, me prendre mon bain. Puis j’ai réussi – c’est un bien grand mot – à sortir dans mon jardin. Tous les jours qui ont suivi, j’errais comme un zombie dans les rues de ma ville, sans accorder la moindre importance au monde qui m’entourait. Mes proches étaient très inquiets, cela se voyait sur leur visage lorsque l’on venait me prendre de mes nouvelles, et surtout m’apporter du soutien dans cette épreuve difficile qu’est le deuil. Le deuil de mon mari, assassiné par des gens quelconques, qui lui ont tout dérobé : son portable, ses papiers, sa vie. Et moi, me voilà seule face à la solitude. J’ai perdu le seul être que j’aimais réellement et avec qui j’avais passé onze belles années. On s’était marié le printemps de nos vingt-trois ans : c’était un mariage parfait, rempli d’amour et de joie. Il s’était déroulé sur une plage de Marseille. Le soleil était présent, nos proches étaient heureux, et tout le monde a passé une agréable journée. Mon mari et moi ne voulions pas d’enfants. Nous nous étions mis en accord qu’on voulait vivre notre histoire d’amour à deux et vivre nos rêves côte à côte. Cependant, aujourd’hui je regrette ce choix. Je n’avais plus aucune personne à qui me rattacher pour me souvenir de lui, pour ne pas l’oublier.
Aujourd’hui c’est mon anniversaire, mais c’était un jour comme les autres pour moi, insignifiant face à ma profonde tristesse. Je fête mes vingt-neuf ans, seule, dans ma maison plongée dans l’obscurité. Je bloque toutes les notifications de mon téléphone pour qu’on ne me dérange pas dans ma dépression. Et je suis restée ainsi, allongée dans mon lit à épier le vide, sans bouger. Je n’arrivais même plus à ressentir quelconques émotions : j’étais vidée de toute énergie. Même mes pensées ne divaguaient plus comme avant. Mes désirs et mes rêves avaient fui mon corps depuis l’instant où j’avais appris son assassinat. Il ne le méritait pas. Il était doux et serviable avec tout le monde. Il ne se plaignait jamais de mes caprices et des malheurs autour. Il était courageux. Puis, au bout d’un certain moment, vers midi, je décide de sortir de mon lit pour me balader dans les différentes pièces de la maison, à la recherche de quelque chose qui pourrait me divertir. Soudain, mes pas s’arrêtent devant le bureau de mon défunt mari. Je n’avais pas mis les pieds dans cette pièce depuis sa mort. Malgré ma peine immense, je finis par passer la porte. Mes yeux humides analysent la pièce lentement et mes doigts tremblant effleurent le bois du bureau. Mon regard se pose ensuite sur divers papiers éparpillés puis tout d’un coup je repère un carnet noir qui m’est familier : mon mari écrivait dedans juste avant de dormir. Je me rappelais le taquiner sur cela, en lui demandant si c’était son journal intime. Il ne cessait de faire une grimace après cette remarque puis replongeait dans ses pensées. Je n’avais jamais su ce qu’il pouvait bien écrire dedans et ma curiosité me fit prendre le carnet, me posant milles et une question. Je me suis ensuite rendue dans le salon, glissant mon corps fébrile dans un fauteuil, puis je me suis mise à lire les pensées cachées de mon mari. J’étais très étonnée de ce que contenait ce carnet : depuis notre mariage, chaque jour, il avait noté sur une page un rêve qu’il souhait réalisé seul ou avec moi. Certains étaient réalisés et étaient coloriés d’une couleur ; quant aux autres, ils attendaient qu’on les accomplissent. Brusquement, j’eus un déclic : je me devais, pour mon cher et tendre ange, réaliser ces souhaits non-exaucés. J’étais tel un Phoenix qui renaît de ses cendres, une veuve sortant peu à peu de son deuil. Mon cœur battait à la chamade rien qu’à l’idée qu’il se faisait de reprendre goût à la vie. Ainsi, je me suis précipitée dans chaque pièce pour faire du rangement, nettoyer les deux ans de dépression et de relâchement. Je suis ensuite partie me faire des courses en m’achetant des choses saines pour que mon corps redevienne tonique. Après cela, j’ai accouru dans un centre commerciale afin de refaire ma garde-robe puis j’ai donné à une association tous mes anciens vêtements : il me fallait tirer un trait sur mon ancien moi et me redécouvrir. Je suis passée chez un coiffeur redonner du peps à mes cheveux complètement morts pour ensuite terminer ma journée dans un spa : massage, sauna et détente étaient au rendez-vous. Épuisée de mon objectif « renaissance », je me suis écroulée, très heureuse, dans mon lit.
Le lendemain matin, je me suis préparée le meilleur brunch de toute ma vie : œufs brouillés, tartines grillées avec de la confiture, un bol de fruits rouges et de fromage blanc, de la charcuterie, du café et un bon jus d’orange pressé. Mon humeur de ces 730 jours à me larmoyer sur mon sort avait littéralement changé. J’étais en forme pour reprendre ma vie en main. C’est dans ce mood positif que je fis mes valises pour aller à la conquête de l’Amérique du sud: le premier rêve, dans la liste de mon mari, non-réalisé. Il avait tout prévu avant sa mort ! J’ai retrouvé dans une enveloppe, cachée dans le fond d’un tiroir de son bureau, pleins d’argents mis de côté pour l’avion et l’hôtel. Je me suis rendue à l’aéroport, pris le premier vol pour le Brésil et arrivée sur place, j’ai installé mes bagages dans un hôtel 5 étoiles : le luxe ! Tous mes proches n’ont pas trop compris mon changement de comportement soudain mais d’après eux : « le temps que tu es heureuse, on l’est pour toi aussi. Profite de tes vacances ! ». J’avais du recevoir une dizaine de messages semblables à celui-ci et cela me faisait rire car ils ne sont pas à ma place. Ils ne peuvent pas comprendre ce que c’est que de perdre son allié, son partenaire de vie, son âme-sœur. Cela forme un vide. On a l’impression d’être dans un trou noir. Dans les limbes et perdu, où l’on ne peut se raccrocher à rien. Et on sombre. Seul. Un vrai sentiment d’abandon. Une relation qui n’avait pas encore tout vécu. Mais bon, aujourd’hui j’ai réussi à me relever grâce aux rêves. Aux rêves de mon mari. Je vais vivre à travers ses pensées et je le sens auprès de moi à cet instant. Il me chuchote de profiter de la vie, car elle peut être courte, s’arrêter aujourd’hui ou même demain.
La renaissance d’une vie. De MA vie.





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