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Tuez-moi, bordel !

Dernière mise à jour : 15 mars 2023


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Chapitre 1 : Asma

« Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres, mais je ne vous appellerai pas maître. »


Asma était assise sur le sol froid, au milieu de la pièce sombre qui lui sert de chambre - de cellule. Les fenêtres étaient closes. L’air humide mélangée au sang de la jeune femme donnait une odeur nauséabonde à cette chambre - à cette cellule. Une chaise était posée à sa droite. A sa gauche, un matelas noirâtre et moisi périssait. Asma ne portait qu’une simple robe tâchée de sang et salie par la boue et la pluie. Autrefois cette robe fut blanche. D’un blanc pur, innocent et simple. Aujourd’hui il était noir de peur et rouge de danger – de sang. Les jambes nues d’Asma laissaient apparaître des bleus et des cicatrices. Le soldat face à elle finit par esquisser un sourire puis lui répondit :


- Asma, Asma… Si tu m’appelles maître, tu sais que tout se passera bien pour toi. Et arrête de me tirer cette tête de malheureuse, voyons. Tu es ma petite privilégiée de tous tes copains de couleurs. Tu le sais ça ? Je ne t’ai jamais cogné, moi. Il n’y a que mes vilains collègues qui osent effleurer ta peau si douce et si… chocolatée.

- Oui, privilégiée. Tu veux que je te remercie pour tes douces paroles racistes ?, se moqua-t-elle d’une manière si calme que le soldat commença gentiment à s’énerver.

- Ma belle Asma, tu croyais quoi ? J’en ai déjà fait beaucoup pour toi là ! Matelas. Chaise. Tu as même le droit au petit déj ! Les autres n’ont même pas ce luxe. Pour une métissée comme toi, tu es servie comme une princesse ! Alors oui, remercie-moi !

Asma se mit à rire, ressentant presque de la pitié pour cet homme – ce monstre.


- La Princesse esclave, oui ! C’est très aimable à toi Lenny de me retenir prisonnière.

- Ne m’appelle pas Lenny, sale arabe !, hurla Lenny, tout en sortant son fouet.


De ses deux mains, le soldat souleva la jeune femme pour la mettre debout puis enroula les cordes du fouet autour de son cou et commença à l’étrangler.


- Je veux t’entendre dire « Pardon maître » ou alors je te promets que ta misérable vie finira plus vite que prévu ! C’est bien clair ?!

- Pardon maître…, se soumit-elle, paniquée et en larme.


Son corps ne se contrôlait plus : il tremblotait, remué de spasmes, et il était tellement fragile qu’il s’écroula complètement au sol, la tête heurtant violemment la mare de sang séchée. Asma, sonnée, entendit vaguement le soldat Lenny sortir de sa chambre – sa cellule. Elle grelottait, pleurait, priait. Des bruits s’ajoutèrent au sien : des pleurs d’autres prisonniers, des enfants appelant leurs parents, les derniers souffles de personnes âgées, les hurlements de douleurs dues aux tortures.


- Je veux mourir, se dit-elle à elle-même puis cria à plein poumon, TUEZ-MOI, BORDEL !

Chapitre 2 : Louna

Les yeux mi-clos, Louna tentait tant bien que mal de s’endormir mais les cris de douleurs des autres prisonniers l’effrayaient. Son dos s’enfonça alors un peu plus contre les pierres froides de sa cellule et elle enroula ses bras autour de son corps glacé. Afin de pouvoir s’endormir paisiblement, Louna tourna ses pensées vers sa famille qui lui manquait tant : le regard attendri de sa mère, les paroles rassurantes de son père et les câlins chaleureux de son grand frère. Elle n'avait aucune idée du lieu où ils se trouvaient car les soldats les avaient séparés sans pitié, frappant le père à sang pour l’embarquer. Louna avait été jetée dans cette cellule il y a presque trois semaines. Ou plus ? Elle avait perdu la notion du temps ; les rayons du soleil ne s’infiltrant pas au travers des fenêtres closes. Elle sentit son corps s’assoupir mais soudain elle entendit une phrase de la cellule voisine qui lui déchira le cœur : « TUEZ-MOI, BORDEL ! ». Louna sursauta et ses yeux ne voulurent plus se fermer. Ces derniers étaient fixés sur la porte face à elle. C’était l’heure pour elle d’affronter le soldat Lenny. Il adorait faire le tour des cellules et s’amuser avec les prisonniers – les prisonnières, à entendre les hurlements de détresse. Un bruit de clés se fit entendre, tournant dans la serrure. Un grincement de porte et voilà Lenny face à une Louna tétanisée.


- Bonjour ma Louna. Comment te sens-tu aujourd’hui ?, articula mielleusement le soldat.

Louna le regarda sans prononcer un mot. Tu as perdu ta langue ? Ou alors tu ne comprends plus un mot de ce que je te raconte, petite arabe ?

La jeune fille serra ses poings.

- Je vois une minime réaction de ta part. Tu comprends encore ma langue, c’est excellent ! , dit-il en souriant faussement.

- Monsieur, j’ai très soif… s’il vous plaît, tenta Louna.

- Oh ma Louna a soif. C’est dommage pour toi, le cuisinier est mort la nuit dernière pour trahison. On s’est amusés à lui tirer dessus pour qu’il se vide de son sang. Vous n’aurez que de l’eau quand on aura trouvé un remplaçant !

Louna resta sans voix et sentit des palpitations étrangères traverser son corps. Face aux yeux écarquillés de la fillette, Lenny explosa de rire.

- Sois pas choquée gamine, il a souffert comme il se doit. Il faut punir les méchants, pas vrai ?

- C’est vous les méchants ! C’est vous qui nous avez enfermés dans ces cellules ! Qui avez décidés de ne pas nous nourrir ! C’est vous qui nous faites du mal ! Vous qui nous avez séparés de nos familles ! C’est vous les méchants !

- La ferme ! , aboya Lenny. Tu te prends pour qui pour me parler sur ce ton, sale chienne ? Viens par-là !


Le soldat s’approcha de Louna et attrapa ses cheveux violemment. Louna tenta de se libérer et hurla de toutes ses forces en pleurant à chaude larme. Elle savait au fond d’elle que personne ne viendrait arrêter Lenny et qu’elle ne faisait pas le poids face à cet homme. Après avoir survécu jusqu’ici à ses pires nuits, elle faisait face, aujourd’hui, à son pire cauchemar. Lenny retourna la fillette et plaqua sa tête contre le mur humide et froid. Il souleva le peu de tissu qu’elle portait et il retira sa ceinture puis déboutonna son pantalon. Louna comprit ce qu’il se passait et elle n’avait plus la force de hurler et de se débattre : les larmes ruisselaient sur ses joues rosies de honte et ses yeux finirent par se fermer de fatigue.


- Reste éveillée gamine et prend du plaisir. C’est cadeau. Rien que pour toi. Ça comblera ta soif ma Louna, susurra Lenny à l’oreille de cette dernière.


Louna ressentait tout sauf du plaisir. Les coups de reins de Lenny répugnaient la jeune fille. Elle ressentait du dégoût. Elle se faisait prendre contre le mur de sa petite cellule moisie. Sa tête tournait. Des hauts de cœur commencèrent à arriver et elle finit par vomir le peu de nourriture qu’elle avait dans son ventre. Lenny, dont la vue et l’odeur du vomi le dégoutaient, ronchonna dans sa barbe tout en refermant son bouton et lança énerver à Louna :


- Putain ! T’es vraiment dégueulasse ! Les autres que j’ai prises étaient beaucoup plus propres que toi ! Plus vieilles mais plus propres. La prochaine fois, évite ça. Ok ?


Le corps de Louna tomba au sol, complètement paralysé. Lenny la regarda pleurnicher puis, d’un sourire rassasié, il sortit en claquant la porte. Louna s’endormit en sanglotant.

Chapitre 3 : Malika

Faisant les cent pas dans sa cellule, Malika attendait de pied ferme le soldat Lenny. Elle avait arrêté de larmoyer sur son sort et elle était décidée à tenter de se sortir de ce trou à rat par tous les moyens. Trois jours qu’elle avait établi son plan. Trois jours qu’elle s’était entraînée. C’était l’heure pour Malika de tenter le tout pour le tout, quitte à y laisser sa vie - si ça tournait mal. Elle arrêta net de marcher lorsqu’elle entendit la voix de Lenny s’approcher.


- Toi. Surveille bien cette chienne de Louna. Interdiction de lui donner à manger ce soir. C’est bien clair ?

- Oui Commandant !


Malika se mit contre le mur, face à la porte. Lenny entra et fut surpris de voir la jeune fille lui faire un sourire timide.


- Eh bien dis donc demoiselle Malika, vous voilà toute souriante. En quel honneur ?

- Je suis contente de recevoir un peu de compagnie, d’échanger quelques mots dans cette pièce si sombre. Vous savez, Commandant, vous m’évitez de perdre la tête. Votre présence me fait du bien.

- Enfin une fille qui m’accueille sans brailler et sans pleurnicher. Ça fait plaisir, s’exprima joyeusement Lenny.

- Commandant, puis-je vous poser une question ?, demanda Malika en s’approchant lentement du soldat, tout en roulant des hanches pour accentuer ses formes.

- Dites-moi ma jolie.

- Je sais que ce que je vais vous demander peut paraître déplacer au vu de la situation mais je me suis dit que j’allais tenter.


Malika déposa sa main gauche sur le haut du torse de Lenny et la descendit doucement, tout en le fixant de ses yeux enflammés.


- Malika, que faite…

- Taisez-vous Commandant, je n’ai même pas commencé, lui susurra-t-elle dans le creux de son oreille droite. J’aurais voulu savoir s’il y avait une chance pour que je puisse avoir le droit à une balade à l’extérieur, en votre compagnie ?, ajouta la jeune fille, approchant ses lèvres des siennes.

- Malika. Je crois que vous ne connaissez pas les règles : il est formellement interdit de sortir qui que ce soit avant qu’on nous donne l’ordre. Je ne peux accepter votre requête, chuchota Lenny.

- C’est bien dommage… Respirer l’air me manque. Mais je comprends que vous devez respecter les règles, Commandant. Je m’excuse de vous avoir demander cela, dit Malika, reculant à petit pas, les mains dans le dos.

- Ce n’est pas grave ma jolie. Je dois vous laisser et terminer ma visite. Bonne journée ma belle Malika, conclu Lenny d’un clin d’œil.


Malika lui fit son plus beau sourire et lorsque ce dernier referma la porte et que le gardien ferma à clé, elle tendit face à elle le trousseau de clés qu’elle venait de voler au soldat. Dans sa tête s’était la folie et elle ne put s’empêcher de fondre en larme, s’imaginant retrouver sa liberté dans un autre pays, même si la tâche risquait d’être difficile. La première chose à faire était de réussir à sortir de sa cellule sans qu’un garde ne soit dans les parages. Deuxièmement, elle allait devoir aider les autres femmes et enfants de son couloir à s’évader : sa conscience lui en voudrait de les délaisser. Troisièmement : sortir du bâtiment en douce ; sachant que Malika ne savait pas combien elles étaient ici et il fallait faire tout ça vite avant que quelqu’un ne donne l’alarme. La jeune fille décida de s’évader cette nuit même, étant donné qu’elle n’avait pas entendu de pas de gardes le soir : les hommes devaient sûrement penser qu’aucune personne du sexe féminin n’était capable de s’évader. Ils avaient tort de penser ainsi.


- Vous êtes des hommes, mais nous avons le pouvoir. Ce soir, ce sera notre victoire, se dit à elle-même Malika en mettant contre son cœur le trousseau de clés.

Chapitre 4 : « On va sortir d’ici, je vous le promets »

Les cris et les pleurs s’étaient estompés. Les prisonniers – prisonnières – étaient sans doute tomber de sommeil et Asma supposait que la nuit venait de s’abattre sur le camp. Elle-même sentait son corps s’enfoncer dans le matelas mais elle craignait que Lenny ou tout autre soldat ne débarquent dans sa cellule. Elle s’obligeait ainsi à rester éveillée, de toutes les manières possibles : compter les pierres des quatre murs, repérer les insectes qui lui tenaient compagnie, piétiner sur le sol gelé, tenter de démêler ses cheveux. Elle était tellement concentrée sur sa coiffure qu’elle ne prêta pas tout d’abord attention aux bruits qui venaient de certaines cellules. Ce n’est que lorsqu’elle se leva, pour recommencer à marcher, qu’elle entendit les cellules s’ouvrirent une part une et qu’elle s’aperçut qu’il y avait des voix féminines qui remerciaient une tierce personne. Asma approcha son visage de la porte, tentant de comprendre ce qu’il se tramait.


Malika, quant à elle, était en train d’ouvrir toutes les cellules, en demandant aux femmes, et aux jeunes filles, de garder un silence de mort. Il n’y avait aucun homme dans cette prison ; un constat effrayant pour Malika qui se demandait comment elles allaient toutes affronter les soldats, si elles se faisaient repérer. Après quelques secondes de flou total, elle reprit sa mission. Elle ouvrit la cellule voisine à la sienne et retrouva une fillette plongée dans un sommeil profond. Du sang avait coulé le long de ses cuisses, sa robe à fleurs était relevée jusqu’à ses hanches et soudain, une odeur nauséabonde remonta jusqu’aux narines de Malika : une flaque de vomi était étalée auprès de la fille. Des frissons d’horreur traversèrent son corps lorsqu’elle comprit ce qu’il s’était passé dans cette cellule. Malika ne put s’empêcher d’avoir un haut de cœur, détournant son regard du corps reposé au sol. Ses larmes remontèrent à la surface. Cependant, elle se devait de se montrer forte et rassurer la petite, qui devait sûrement avoir une dizaine d’année. Malika contourna la flaque visqueuse, s’accroupit, puis de ses doigts elle caressa lentement le visage de la fillette afin de la réveiller en douceur.

Louna sursauta lorsqu’elle sentit une main sur sa joue. Elle commença à vouloir hurler mais la main inconnue lui en empêcha.


- Eh ! Ne t’inquiète pas. Ce n’est ni Lenny ni un autre soldat. Je m’appelle Malika. Je suis ta voisine de cellule. Je suis en train de libérer tout le monde. Il n’y a aucun garde pendant quelques heures. Je suis là pour t’aider, dit Malika d’une voix douce et rassurante.

- Je… je m’appelle Louna.

- Enchantée Louna. Je vais t’aider à te relever. Donne-moi tes mains.


Elle releva Louna et cette dernière se jeta soudainement dans ses bras. Malika fut d’abord surprise puis resserra son étreinte autour du petit corps frêle face à elle. « Vivre un viol à son âge, comme n’importe quel âge d’ailleurs, est monstrueux. Traumatisant. Ceux qui font ça, sont vraiment inhumain, sans cœur. C’est dégueulasse » se dit à elle-même Malika. Elle allait prendre cette petite sous son aile et il allait falloir se dépêcher de libérer tout le monde !


- Ecoute-moi bien Louna. On va sortir de cette cellule et tu vas rester près de la porte pour que je te récupère dès que j’aurais fini de faire sortir toutes les filles, d’accord ?

- Je ne veux pas rester seule… Je peux te tenir la main ? S’il te plaît…, demanda Louna, le regard embué lorsqu’elle remarqua qu’une dizaine de filles la regardaient et attendaient les instructions de Malika.

- D’accord Louna. Allez viens, on a encore une dizaine de filles à sortir de ce trou à rat.


La cellule suivante était celle de Asma, toujours dans l’incompréhension des minimes bruits extérieurs. Elle sursauta lorsque les clés ouvrirent la serrure, croyant qu’un soldat allait la punir. Les images de Lenny l’étranglant revinrent dans sa tête et des frissons d’effroi lui parcoururent le corps. Asma fit alors quelques pas en arrière et se mit à genoux, les mains liées en avant, le regard vers le sol, prête à implorer le pardon. Malika et Louna apparurent dans l’embrasure de la porte et se jetèrent un regard interrogateur en découvrant Asma dans cette position. Cette dernière s’aperçut que les personnes face à elle étaient pieds nus et que leurs jambes étaient recouvertes de bleues et étaient sales. « Ceux ne sont pas des jambes masculines et de soldats ça… » pensa immédiatement Asma. Son visage se leva aussitôt et elle découvrit, avec surprise, deux filles, plus jeunes qu’elle.


- Qu’est-ce que…, tenta de comprendre Asma.

- Hey ! Je suis Malika et voici Louna. Louna était ta voisine de cellule et moi la sienne. J’ai réussi à voler les clés à Lenny, sans qu’il s’en aperçoive. Il n’y a qu’une seule clé pour ouvrir toutes nos cellules, c’est pour cela que je peux libérer tout le monde. Comment tu t’appelles toi ?

- Hum.. Ok. Je suis Asma. Comment as-tu fait pour prendre les clés à ce… Cet homme ?, demanda-t-elle perplexe.

- J’ai joué de mes atouts, de mon charme. Je me suis jouée de lui. C’était le seul moyen. Je n’aurais pas pu le confronter en utilisant la force…

- Tu as eu raison. Il est d’une férocité.. Il n’aurait pas fallu qu’il te blesse.

- Asma ?, intervint Louna.

- Oui ?

- Je t’ai entendu hurler tout à l’heure… Il t’a fait du mal à toi aussi, n’est-ce pas ?

- Oui. J’ai voulu lui répondre et… la situation m’a échappée, avoua-t-elle en passant une de ses mains dans son cou qui tournait au violâtre.

- On va sortir d’ici. Je vous le promets, conclut avec entrain Malika.

Chapitre 5 : Dehors

Vingt-cinq cellules. Vingt-cinq filles libérées. Malika se sentit soulagée après avoir délivré la dernière fille. Cependant, en regardant tous ces visages remplis d’espoir, et tournés dans sa direction, elle ressentit un poids immense sur ses épaules : elle allait devoir toutes les sauver.

Malika prit une grande inspiration puis ordonna aux vingt-cinq filles de rester silencieuses, jusqu’à ce qu’elles se trouvent dans un lieu sécurisé, loin de Lenny et ses compagnons. Elles hochèrent toutes la tête, le regard apeuré et leur corps tremblant.

Les vingt-cinq filles longèrent les murs froids et sombres de cette prison, sans savoir où se trouvait la sortie. Aucun soldat n’était présent et cela commença à effrayer Malika.

Une petite main moite attrapa la sienne. Louna. Elle pleurait en silence et tenait de son autre main sa robe trop longue. Malika ressentit une pointe de douleur dans son cœur face à cette petite détruite par ces hommes qui n’ont eu aucune pitié.


Lenny a couché avec la plupart des filles ici et Malika en était répugnée de cet homme infâme. Il les avait maltraité, battu, insulté…

Malika s’arrêta d’un coup et vomi tout son dégoût. Asma, qui était juste derrière elle, se précipita de tenir ses cheveux, tout en caressant son dos. Quant à Louna, elle recula effrayée et s’assit le long du mur, en cachant son visage dans ses genoux. Les souvenirs d’elle qui vomissait, lorsque Lenny la violait, lui revinrent en pleine face.

Une dame, d’une trentaine d’années, s’approcha de la jeune fille pour la prendre dans ses bras. Elle lui murmura des choses que seule Louna pouvait entendre : cette dernière lâcha à la dame un faible sourire et de ses mains, elle sécha ses larmes. Louna se releva lentement puis tendit la main à Malika, agenouillée, et l’aida à se remettre debout.


- On est plus fortes que ça. On ne va pas se laisser anéantir. Sortons d’ici ! proclama en chuchotant la gamine, le poing levé.


La dame, au côté de Louna, sourit fièrement et leva le poing aussi. Toutes les filles suivirent le mouvement, dans le silence. « L’espoir est toujours là. Il faut que je mette mes émotions de côté et que je nous sorte d’ici », se dit à elle-même Malika.

Elle reprit la marche et toutes les filles la suivirent silencieusement.


Quelques minutes après, elles arrivèrent face à une porte différente des autres qu’elles avaient pu croiser : elle était plus haute et plus large, tout en métal.

D’une main tremblante, Asma la posa sur la poignée et l’enclencha. Tout le groupe retint son souffle.

Dehors. Elles étaient dehors. Le vent souffla sur leur peau dénudée. Une fine pluie apparut dès que la dernière fille mit les pieds dehors. Elles avaient toutes leur visage levé vers le ciel, appréciant les gouttes d’eau qui se déposaient sur elles.

Louna laissa couler ses larmes qui se mélangèrent à l’averse ; Malika, elle, ouvrit ses bras en grand et tourna sur elle-même en soupirant de plaisir ; quant à Asma, un sourire s’échappa de ses lèvres, ravie d’être parvenue à la sortie sans égratignures.


Soudain, un bruit assourdissant se fit entendre. Louna se retourna furtivement vers la porte et aperçut une balle enfoncée dans le métal. Elle était tellement focalisée sur le trou formé par la balle qu’elle ne prêta pas attention aux hurlements des autres filles.


- Louna ! Louna ! Couche toi !, hurla Malika.


Entre les cris et les balles qui fusaient dans tous les sens, la jeune fille n’entendit pas Malika l’alerter. Elle sentit quelque chose lui traverser l’épaule droite, puis le flanc gauche. Ses yeux se posèrent sur son ventre et regarda le sang qui coulait lentement puis abondamment sur le reste de son corps. Elle bascula en avant et s’étala lourdement dans la boue. Louna peinait à respirer et à garder les yeux ouverts.

Malika apparut dans son champ de vision.


- Malika ? Je saigne... Ce n’est qu’un cauchemar ? On a réussi à s’évader ?

- Oui, Louna. Ce n’est qu’un cauchemar. Tu vas te réveiller et tu seras de nouveau dans les bras de tes parents, tenta-t-elle de lui dire au travers de la fusillade et de ses larmes, cachés par la pluie abondante. Ferme les yeux. Tu verras, tu vas te réveiller dans ton lit, Louna.


La jeune fille écouta la voix douce de Malika et dès qu’elle eut les yeux clos, une berceuse l’accompagna dans un sommeil profond.

Malika stoppa sa mélodie lorsque Louna donna son dernier souffle. Elle passa sa main délicatement sur la joue de la gamine et lui murmura :

- Dors bien… tu es loin de ce monde cruel maintenant.


Elle ne remarqua que quelques secondes après que le silence avait rempli l’espace. Elle s’autorisa à jeter un coup d’œil aux alentours et elle regretta aussitôt : vingt-deux corps, criblés de balles, étaient étalés. Leur sang était mélangé à la boue. Quant à la pluie, elle avait cessé après ce massacre.

« Vingt-deux corps, hormis le corps de Louna et le mien. Il en manque un », remarqua aussitôt Malika. Elle tourna doucement son visage pour repérer le moindre mouvement d’une des filles qui serait encore en vie.

La scène qui s’offrit à elle la terrifia : Alma était à genoux en larme, devant un Lenny mauvais qui lui hurla :


- Vous pensiez vraiment que je n’allais pas m’apercevoir de votre ruse, mesdames ? Regarde tes amies. Regarde-les !

Il attrapa les cheveux d’Alma pour lui forcer à contempler les corps inanimés des autres filles.

- Voilà ce que vous avez gagné : votre mort.

- Nous étions déjà mortes aux yeux du monde dans vos cages !

- La ferme, sale arabe ! Nous vous avons traité comme des reines ici !

- Lenny… Vous faîtes pitié, vous et vos toutous, lança froidement Alma.

Le soldat lui balança son poing dans le visage. Malika ne put s’empêcher de lâcher un cri d’effroi. Lenny l’entendit et ricana.

- Une autre survivante ! Ramène-moi cette salope, ordonna-t-il à l’un de ses soldats.

Ce dernier attrapa le bras de Malika et la tira de force vers Lenny.

- Vous jouez les gros durs, mesdames, et vous pensez que ça va aller en votre faveur cette histoire ?

- Tuez-nous une bonne fois pour toute, Lenny, supplia Malika.

- Je pourrais, oui. Vous le méritez après tout. Pourtant, j’ai une autre sentence plus alléchante à vous proposer. Levez-vous !


Les deux se levèrent avec difficulté. Elles se lancèrent un regard apeuré, puis Malika prononça du bout des lèvres : « Pardon Alma ». Cette dernière lui répondit d’un sourire triste et reporta son regard sur le visage ferme de Lenny. D’un coup, il brandit son arme sur le front d’Alma.


- Vous êtes les plus intelligentes de toutes les filles enfermées ici. Qui a préparé cette fuite ?

- Quoi ?, peina à prononcer Malika.

- Je veux que vous me donniez le nom de celle qui a tout organisé. Et vite. Je n’ai pas tout mon temps.

- C’est moi, Lenny. Épargne Malika, je t’en…

Alma n’eut pas le temps de finir sa phrase que la balle traversa son crâne. Du sang gicla sur le visage de Malika qui se mit à hurler.

- Po…Pour…Pourquoi ?!

- Elle s’est dénoncée beaucoup trop vite. Impossible que ce soit elle. La seule personne qui ne s’est jamais démontée devant moi, c’est bien toi, ma jolie. Maintenant tu vas gentiment rejoindre ta cellule et la boucler pour la fin de ta vie.


La jeune fille marcha lentement, des douleurs criblant chaque parcelle de son corps. Elle se sentait faible, attristée et en colère.

Comment avait-elle pu penser une seconde à leur liberté ?

Comment avait-elle pu les jeter toutes dans la gueule du loup ?

Pour qu’au final il ne reste plus qu’elle en vie ?

C’était insupportable pour elle de penser à la mort de toutes ces filles et elle allait devoir vivre avec cette douleur atroce dans le cœur, seule, dans sa chambre – sa cellule.

Lenny poussa Malika dans sa cellule. Son corps chancela puis s’écroula tout prêt de son matelas, le seul endroit douillet de cet enfer. Elle se retourna une dernière fois vers Lenny, qui la fixait d’un regard moqueur puis ce dernier lui confia :


- Ce sera la dernière fois que tu verras un visage de toute ta misérable vie. T’auras droit à un repas par jour, si on ne t’oublie pas.


Sur ses derniers mots, le soldat Lenny verrouilla la porte. Le regard de Malika se perdit dans un recoin de sa chambre – cellule – et ne ressentit plus aucune émotion. Elle se sentit éteinte. Elle hurla, pour elle-même et toutes les autres :

- TUEZ-MOI, BORDEL !




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